“Si le 20ème siècle a été le siècle de reconnaissance des droits de l’homme, le 21ème sera celui des droits de la Terre et de tous ses êtres vivants”
Evo Morales
Evo Morales
Juan Evo Morales Ayma est un leader syndical et homme politique de Bolivie, leader du Mouvement vers le socialisme (MAS). Né le 26 octobre 1959 dans l'Altiplano bolivien dans une famille aymara à Orinoca, une ville de mineurs du département d'Oruro en Bolivie, il a remporté l'élection présidentielle du 18 décembre 2005 (avec plus de 53 % des voix).
Entré en fonction le 22 janvier 2006, il est considéré comme étant le premier président bolivien d'origine amérindienne pure, ses prédécesseurs à ce poste depuis 1821 étant des européens, des métis ou des indigènes ayant quelques gouttes de sang espagnol, mais il n'est pas le premier indigène à occuper des fonctions présidentielles en Amérique latine.
C'est l'un des rares présidents au cours de l'histoire à revendiquer ses racines indigènes en Amérique latine: contrairement à Benito Juárez ou Victoriano Huerta les deux seuls présidents d'origine indigène pure du Mexique.
Benito Juárez et Victoriano Huerta n'ont fait que rarement allusion à leur origine ethnique dans leurs fonctions publiques, bien que zapotèque pour le premier et huichol pour le second et sachant tous deux parler leur langue maternelle indigène ils étaient d'abord et avant tout des mexicains, Evo Morales se caractérise comme représentant d'une communauté, mais il ne parle lui, aucune langue indigène.
Réélu le 6 décembre 2009 avec plus de 64 % des voix, son parti, le MAS, détient aujourd'hui la majorité absolue dans les deux Chambres2.
Sur le plan international, Morales est proche du président vénézuélien Hugo Chávez avec qui il partage certains éléments de sa vision socialiste de l'Amérique latine, tout en demeurant tributaire de ses origines plus ou moins indigénistes.
“Si le 20ème siècle a été le siècle de reconnaissance des droits de l’homme, le 21ème sera celui des droits de la Terre et de tous ses êtres vivants” a déclaré Evo Morales suite à l’approbation, en 2009, par l’Assemblée Générale des Nations Unies de la date du 22 avril comme journée mondiale de la Terre-Mère. Mais, il ne peut se contenter d’une journée, il lutte aujourd’hui pour qu’une déclaration universelle des droits de la Terre soit promulguée aux Nations Unies.
La loi sur les droits de la Terre-Mère définit la Terre comme « un système vivant dynamique formé de la communauté indivisible de tous les systèmes de vie et des êtres vivants, interreliés, interdépendants et complémentaires, qui partagent une destinée commune. » La Terre-Mère est reconnue comme un sujet (juridique) collectif d’intérêt public. Ses droits reconnus sont les suivants: droit à la vie, à la diversité de la vie, à l’eau, à l’air propre, à l’équilibre, à la restauration, à vivre libre de contamination.
Inspirée de la philosophie « Pachamama » des peuples andins qui placent la nature et la terre au centre de la vie, la loi « Terre Mère » met en place des mesures de conservation radicales. Mais aussi des mesures sociales pour réduire la pollution et mieux contrôler l’impact des activités industrielles sur la faune et la flore.
Le texte introduit onze droits fondamentaux pour la nature, selon The Guardian, dont le droit de vivre et exister, le droit à l’eau pure et à de l’eau propre, le droit de ne pas être pollué ou encore le droit de ne pas être génétiquement modifié.
Voici un extrait de cette loi :
LOI SUR LES DROITS DE LA TERRE-MERE
Loi 071 du 21 décembre 2010, en vigueur
EVO MORALES AYMA,
PRESIDENT CONSTITUTIONNEL DE L’ETAT PLURINATIONAL DE BOLIVIE
L’ASSEMBLEE LEGISLATIVE PLURINATIONALE DECRETE LA LOI SUR LES DROITS DE LA TERRE – MERE
CHAPITRE 3: Les droits de la Terre-Mère
Article 7. Droits de la Terre-Mère
la Terre-Mère a les droits suivants:
1. Droit à la vie: droit à la perpétuation de l’intégrité des écosystèmes et des processus naturels qui les soutiennent.
2. Droit à la diversité de la vie: droit à la préservation de la différence et de la variété des êtres qui composent la Terre-Mère, sans être modifiés génétiquement, ni même de manière artificielle, de telle façon que cela puisse menacer leurs existences, fonctionnements et potentiels futurs.
3. Droit à l’eau : droit à la préservation du fonctionnement des cycles de l’eau, à son existence en quantité et qualité nécessaire pour la subsistance des écosystèmes et droit à la protection de l’eau contre la pollution, pour la reproduction de la vie de la Terre-Mère et de toutes ses composantes.
4. Droit à l’air pur: droit à la préservation de la qualité et la composition de l’air pour la subsistance des écosystèmes et droit à sa protection face à la pollution, pour la reproduction de la vie de la Terre-Mère et de toutes ses composantes.
5. Droit à l’équilibre: droit au maintien ou la restauration l’interdépendance, la complémentarité et la fonctionnalité des composantes de la Terre-Mère, de manière équilibrée pour la continuité de ses cycles et la reproduction de ses processus vitaux.
6. Droit à la restauration: droit à la restauration effective des écosystèmes affectés par les activités humaines directes ou indirectes.
7. Droit à vivre sans pollution: droit à la préservation de la Terre-Mère de toute pollution comme les résidus toxiques et radioactifs générés par les activités humaines.
CHAPITRE 5 : Obligations de l’Etat et devoirs de la société
Article 8. Obligations de l’Etat plurinational
L’Etat plurinational, à tous ses niveaux, ses domaines territoriaux et à travers toutes ses autorités et institutions, a les obligations suivantes:
1. Développer des politiques publiques et actions systématiques de prévention, de protection et de précaution visant à éviter que les activités humaines conduisent à l’extinction des êtres vivants, l’altération des cycles et processus qui garantissent la vie ou la destruction d’écosystème.
2. Développer des formes de production et des modèles de consommation équilibrés pour la satisfaction des besoins du peuple bolivien et de son bien-être, tout en sauvegardant les capacités de perpétuation et d’intégrité des cycles, les processus et équilibres vitaux de la Terre-Mère.
3. Développer des politiques pour défendre la Terre-Mère dans les champs, plurinationaux et internationaux, de sa surexploitation, de la marchandisation des écosystèmes et des causes structurelles du changement climatique global et de ses conséquences.
4. Développer des politiques qui assure la souveraineté énergétique à long terme, à partir de l’économie d’énergie, l’augmentation de son efficience et l’incorporation au fur et à mesure de nouvelles sources alternatives propres et renouvelables.
5. Poursuivre sur le plan international la reconnaissance de la dette environnementale à travers le financement et le transfert de technologies propres, efficaces et compatibles avec les droits de la Terre-Mère.
6. Promouvoir la paix et l’élimination de toutes les armes nucléaires, chimiques, biologiques et de destruction massive
7. Promouvoir la reconnaissance et la défense des droits de la Terre-Mère sur le plan multilatéral, régional et bilatéral des relations internationales.
Article 9: devoirs des personnes
Il s’agit des devoirs des personnes physiques et juridiques, publiques ou privées :
a) Défendre et respecter les droits de la Terre-Mère
b) Promouvoir l’harmonie de la Terre-Mère dans tous les champs de ses relations avec les communautés humaines et les écosystèmes.
c) Participer de forme active dans la production de propositions orientées au respect et défense de la Terre-Mère.
d) Développer des pratiques de production et des habitudes de consommation en harmonie avec les droits de la Terre-Mère.
e) Assurer l’usage et utilisation soutenable des écosystèmes de la Terre-Mère
f) Dénoncer tout acte qui porte atteinte aux droits de la Terre-Mère, ses écosystèmes et/ou ses composantes.
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C’est donc le genre de dilemme auquel le pays se trouve confronté aujourd’hui. En effet, en termes économiques, malgré la richesse de ses ressources naturelles, la Bolivie reste l’un des pays les plus pauvres d’Amérique Latine. Exploiter ses ressources en lithium favoriserait sans aucun doute un redressement de la balance économique. Mais sous l’angle de cette nouvelle loi de la Terre-Mère, en quoi consiste vraiment la « richesse » d’un pays ? Loi utopique ou vision originale d’un futur durable ? A suivre..........
Face au réchauffement climatique et à la montée des catastrophes qu’il implique pour les paysans et la culture, sécheresse, inondations, famine, déforestations, la Conférence de Cochabamba propose un large appel aux populations, gouvernements, experts. Il s’appuie pour cela sur des revendications simples articulées avec la recherche d’une harmonie avec la Terre-Mère.
1. La revendication d’une pleine acceptation du protocole de Kyoto
La Bolivie réclame l’acceptation par tous les pays des contraintes du Protocole de Kyoto du fait des tentatives de certains pays d’en ignorer les obligations, ce qui s’est traduit dans le fait que les émissions de gaz à effet de serre des pays développés, au lieu de réduire, ont augmenté de 11,2 % entre 1990 et 2007, voire 16,8% pour les États-Unis.
2. La réclamation d’un accord global de réduction de 50% des GES
Par opposition à l’« Accord de Copenhague » qui permet aux pays développés de proposer seulement des engagements volontaires et individuels se traduisant dans des réductions insuffisantes des émissions de gaz à effet de serre, la Bolivie réclame l’adoption d’un amendement au Protocole de Kyoto stipulant que les pays développés doivent s’engager à des réductions domestiques significatives d’au moins 50 % par rapport à 1990, l’année de référence, pour la seconde période d’engagement de 2013 à 2017.
La Bolivie réclame l’adoption à Cancun d’un objectif global pour l’ensemble des pays développés qui serait ensuite décliné pour chacun des pays développés en comparant les efforts fournis par chacun, perpétuant ainsi le système du Protocole de Kyoto pour la réduction des émissions.
3. La reconnaissance d’une dette des pays développés
Pour la Bolivie, les pays développés, principaux responsables du changement climatique, doivent assumer leurs responsabilités, passée et actuelle, et reconnaitre leur dette climatique à l’égard du monde, ce qui s’exprime dans une série d’obligations :
• réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et les réabsorber afin de rétrocéder aux pays en développement un espace atmosphérique décolonisé
• prendre en charge les coûts et les besoins de transfert technologique des pays en développement et assumer les coûts des adaptations liées aux impacts du changement climatique
• assumer la responsabilité des centaines de milliers de personnes qui devront migrer à cause du changement climatique et donc supprimer les politiques de restriction de l’immigration
• reconnaitre plus généralement leur dette envers la Terre-Mère en adoptant et en mettant en application la Déclaration Universelle des Droits de la Terre-Mère aux Nations Unies.
Il ne s’agit pas uniquement de compensation économique, mais principalement de justice réparatrice afin de rendre leur intégrité aux personnes et aux membres de la communauté de vie sur Terre.
4. La revendication d’un Fonds d’Adaptation pour faire face au changement climatique
La Bolivie réclame la mise en place d’un Fonds d’Adaptation au changement climatique qui serait géré et dirigé de manière souveraine, transparente et équitable pour les États. Ce fonds aurait à réparer les dommages associés aux impacts passés et futurs des événements climatiques extrêmes.
5. Un Tribunal International pour la Justice Climatique et Environnementale
Pour la Bolivie, il est nécessaire de créer un Tribunal international pour la justice climatique et environnementale qui ait la capacité légale de prévenir, juger et pénaliser les États, l’industrie et les personnes qui volontairement ou par omission polluent ou accélèrent le changement climatique. La création d’un tel Tribunal est nécessaire parce qu’il est urgent d’assurer des régulations internationales des actions des États et des entreprises multinationales, souvent plus puissantes que des États, pour limiter les menaces résultant des diverses pollutions et émissions de GES qu’elles provoquent. Agir au niveau mondial en ayant autorité sur les États est le seul moyen d’imposer une discipline dont on ne peut attendre qu’elles proviennent de la seule bonne volonté des pouvoirs en place.
Si en revanche une autorité mondiale peut sanctionner les écarts à la norme mondiale et donner une forte reconnaissance aux actions les plus exemplaires, alors nous pourrons espérer constater une inversion des comportements égoïstes des États. Car pour le moment ils attendent que les autres fassent le premier pas, que ce soit pour respecter leurs engagements et obligations vis-à-vis de la CCNUCC et du Protocole de Kyoto en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou pour s’abstenir de polluer davantage la terre et les océans.
L’affirmation de préoccupations concernant les pays en développement
En dehors de ces revendications concrètes, la Bolivie exprime ses préoccupations en ce qui concerne des problèmes de développement plus généraux. Pour cela, elle place au premier plan la défense des paysans, des indigènes et de leur mode de vie.
1. L’adaptation de l’agriculture La Bolivie met en avant un certain nombre de solutions pour transformer l’agriculture et l’amener vers un modèle viable de production agricole paysan et indigène, à travers d’autres modèles assurant aux peuples le droit à contrôler leurs ressources en eau, en terres et en semences. De tels modèles visant à garantir la production d’une alimentation suffisante, variée et nourrissante grâce à une production locale en harmonie avec la Terre-Mère sont opposés à ceux découlant de l’agro-industrie et à sa logique capitaliste globalisée consistant à produire des aliments pour un marché coupé des attentes locales.
2. La défense des droits des peuples indigènes, du droit à l’eau et à la disposition de forêts préservées
La Bolivie appelle les États à reconnaître et garantir les normes internationales en matière de droits de l’homme et de droits des peuples indigènes, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples indigènes de la Convention 169 du BIT. Elle revendique la reconnaissance du droit des peuples indigènes à disposer librement de leurs ressources essentielles, l’accès à l’eau et l’utilisation des forêts.
Ceci s’exprime d’abord dans la proposition de La Bolivie de reconnaître l’eau comme un Droit humain fondamental. Il s’agit ensuite de reconnaître les droits collectifs des peuples indigènes aux terres et aux territoires, la plupart des forêts vierges et des jungles étant situées sur les territoires des indigènes et des communautés traditionnelles.
3. La prise en compte des migrations internes et internationales
La Bolivie constate que la dégradation de l’environnement et le changement climatique sont à l’origine de nombreuses migrations internes et internationales. Le nombre des réfugiés climatiques est ainsi estimé actuellement à environ 50 millions et on évalue entre 200 millions et un milliard le nombre d’individus qui seront déplacés à cause de situations résultant du changement climatique d’ici à 2050.
Pour la Bolivie, les pays développés devraient assumer leurs responsabilités face aux réfugiés climatiques, les accueillir sur leurs territoires et reconnaître leurs droits fondamentaux en signant des conventions internationales définissant ce qu’on appelle un réfugié climatique et exigeant de tout État qu’il applique ces conventions.
4. La revendication d’un mode universel de partage des savoirs et des connaissances
Pour la Bolivie, le monde doit redécouvrir et réapprendre les principes ancestraux et les approches des peuples indigènes pour arrêter la destruction de la planète. Il doit également promouvoir les pratiques et les connaissances ancestrales afin de retrouver la capacité de « bien vivre » en harmonie avec la Terre-Mère. Pour la Bolivie, la connaissance et ses applications technologiques sont universelles et ne devraient en aucun cas faire l’objet de propriété privée ou d’usage privé. Les pays développés devraient être responsables du partage de leur technologie avec les pays en développement, de la construction dans ces pays de centres de recherche pour la création de technologies et d’innovations, de la défense et de la promotion de leur développement et de leurs applications en matière de « bien-vivre ».
5. Pour un nouveau mode de financement des adaptations des pays en développement
La Bolivie constate que les financements actuellement destinés aux pays en développement pour lutter contre le changement climatique et la proposition de l’Accord de Copenhague sont très faibles. Elle demande que les pays développés prennent l’engagement de donner chaque année au moins 6% de leur PNB pour battre en brèche le changement climatique dans les pays en développement.
Pour conclure
La Bolivie dénonce certes l’inefficacité du marché du carbone et la spéculation. Mais elle n’apporte pas de propositions nouvelles quant aux instruments financiers permettant de réaliser concrètement un tel prélèvement. Pourquoi ne pas proposer de nouvelles taxes globales ? Pourquoi ne pas réfléchir sur des propositions innovantes de taxation des rejets de GES, des pollutions ou des déforestations ?
Il reste que, au delà de ses limites, le mouvement issu de la conférence de Cochabamba apporte de nombreux éclairages novateurs sur la transformation des rapports entre la société et les ressources de la planète, lesquels se traduisent dans des propositions elles aussi novatrices de rénovation des rapports Nord-Sud. Il est probable que ces avancées seront suivis de nombreuses autres, ce qui nous fera progresser vers la construction d’un monde plus harmonieux.
Sources :
http://fr.wikipedia.org
http://alacroiseedeschemins.fr
http://quisetal.org
http://blogs.lexpress.fr
http://www.paperblog.fr/4449272/la-bolivie-adopte-une-loi-de-la-terre-mere